LITIGE et
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de CONFLITS
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4 juin 2020 Litige et résolution de conflits
Vous êtes partie à un contrat et le contexte de la pandémie liée à la COVID-19 vous empêche de respecter vos obligations contractuelles ou empêche votre cocontractant de respecter les siennes ? Le présent article vise à expliquer ce qu’est la notion de force majeure et la possibilité, dans certains cas, de pouvoir se dégager de sa responsabilité contractuelle lorsqu’on est dans l’impossibilité de pouvoir exécuter ses obligations contractuelles en raison d’un cas de force majeure.
Dans le contexte actuel, plusieurs entreprises et entrepreneurs ayant conclu des contrats en lien avec l’exploitation de leur entreprise (par exemple un bail commercial) se retrouvent dans une situation d’incapacité à pouvoir respecter leurs obligations en raison de la crise actuelle (par exemple le paiement de leur loyer).
Une partie n’ayant pas pu respecter ses obligations aux termes d’un contrat s’expose à un recours/une réclamation de son cocontractant en raison de son défaut contractuel.
Toutefois, la Loi prévoit qu’une partie n’ayant pu respecter/exécuter ses obligations contractuelles en raison d’un cas de force majeure peut se libérer de sa responsabilité pour la non-exécution de celles-ci, à moins qu’elle se soit initialement engagée envers l’autre partie dans le contrat à lui garantir l’accomplissement de ses obligations malgré la survenance d’un cas de force majeure ou à l’indemniser pour les dommages causés par son inexécution/son non-respect de ses obligations découlant d’un cas de force majeure.
L’exonération de responsabilité pour cause de force majeure
La Loi prévoit, aux articles 1470 et 1693 du Code civil du Québec, l’exonération pour cause de force majeure en ces termes :
1470. Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer.
La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères.
1693. Lorsqu’une obligation ne peut plus être exécutée par le débiteur, en raison d’une force majeure et avant qu’il soit en demeure, il est libéré de cette obligation; il en est également libéré, lors même qu’il était en demeure, lorsque le créancier n’aurait pu, de toute façon, bénéficier de l’exécution de l’obligation en raison de cette force majeure; à moins que, dans l’un et l’autre cas, le débiteur ne se soit expressément chargé des cas de force majeure.
La preuve d’une force majeure incombe au débiteur.
Essentiellement, une partie pourra être libérée de ses obligations si elle se trouve dans l’impossibilité de les exécuter en raison d’une force majeure, soit la survenance d’un événement imprévisible et irrésistible.
Les critères pour être en présence d’un cas de force majeure
Pour être exonéré de son obligation pour cause de force majeure, le débiteur de l’obligation (celle qui ne peut remplir ses obligations aux termes du contrat) doit démontrer l’application de certains critères à son cas particulier :
i. L’impossibilité d’agir
La situation de force majeure doit rendre l’exécution du contrat absolument impossible : la force majeure ne doit pas avoir simplement rendu les obligations du débiteur plus difficiles à exécuter ou plus coûteuses à remplir. La force majeure ne peut camoufler une faute du débiteur, mais elle doit véritablement être l’unique cause d’une véritable impossibilité pour le débiteur d’exécuter son obligation contractuelle pour être valablement invoquée.
L’impossibilité d’agir ne peut être personnelle au débiteur, elle doit revêtir un certain caractère général et l’événement doit justifier qu’il rende l’exécution impossible pour quiconque placé dans les mêmes circonstances. L’impossibilité d’agir doit découler d’une incapacité réelle à remplir l’obligation contractuelle, de manière absolue et permanente. L’événement doit être insurmontable quant à ses effets.
ii. L’imprévisibilité de l’événement
L’événement, pour être qualifié de cas force majeure au sens de la Loi, doit être imprévisible au moment de la conclusion du contrat. Il doit s’agir d’un événement qu’aucune personne raisonnable et prévoyante placée dans les mêmes circonstances n’aurait pu anticiper ou prévoir. Cependant, ce critère n’exige pas que l’événement ne se soit jamais réalisé. En ce sens, il ne doit pas nécessairement revêtir un caractère particulièrement exceptionnel.
iii. L’irrésistibilité de l’événement
L’événement doit aussi, pour être qualifié de force majeure au sens de la Loi, être irrésistible : il doit s’agir d’un événement qu’aucune personne raisonnable et prévoyante placée dans les mêmes circonstances n’aurait pu éviter. Le débiteur doit donc se trouver dans une situation où il n’a véritablement pas pu empêcher la survenance de l’événement en cause et qu’il ne pouvait non plus avoir pris des mesures nécessaires préalables pour le prévenir, et s’en prémunir.
L’importance des termes du contrat
Il se peut qu’en raison de la nature du contrat auquel vous êtes partie ou des termes qui y sont expressément prévus, que vous ne puissiez tout simplement pas vous prévaloir de l’exonération de responsabilité pour cause d’impossibilité d’agir due à un cas de force majeure, même si les critères susmentionnés sont respectés.
En effet, le cas d’exonération pour force majeure prévu dans la Loi n’est pas d’ordre public et donc, votre contrat pourrait valablement prévoir qu’une partie serait néanmoins responsable de l’inexécution de ses obligations et des dommages qui en découlent malgré la survenance d’un cas de force majeure qui pourrait autrement justifier son inexécution.
Les parties à un contrat peuvent également prévoir dans celui-ci certaines catégories d’événements (guerres, pandémies, désastres naturels, etc.) qu’ils qualifient de force majeure ou non.
C’est pourquoi une analyse rigoureuse de votre contrat est de mise.
Toutefois, une clause qui prévoit la responsabilité du débiteur malgré son impossibilité d’agir en cas de force majeure pourrait être jugée abusive et déclarée nulle. Cela pourrait être le cas notamment lorsqu’on sera en présence d’un contrat dit de consommation ou encore d’un contrat dit d’adhésion (c’est-à-dire un contrat pour lequel les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou qu’elles ont été rédigées par elle, et qu’elles ne pouvaient être librement négociées/discutées).
Il importe toutefois de préciser qu’il peut être difficile d’attaquer avec succès la validité de clauses imposant l’exécution d’obligations malgré la survenance de cas de force majeure dans le cadre de contrats commerciaux, dont des baux commerciaux.
Concrètement, quand peut-on invoquer la force majeure ?
Il est nécessaire de savoir qu’il revient au débiteur de l’obligation et donc, à celui qui invoque la force majeure pour justifier son impossibilité de remplir son obligation contractuelle, de prouver les faits au soutien de ses prétentions et de démontrer l’application de l’exonération pour cause de force majeure à son cas particulier. Cela implique notamment de devoir démontrer l’impossibilité absolue de pouvoir exécuter ses obligations, et non seulement qu’il est plus difficile ou plus coûteux pour lui de les exécuter.
Toutefois, et avant de se questionner à savoir si on est dans un cas ou non de force majeure qui permet de s’exonérer de la non-exécution de ses obligations contractuelles, il faut d’abord se référer au contrat ayant été conclu entre les parties afin de déterminer si une clause de force majeure a été prévue ou non à celui-ci.
Rien n’empêche qu’un contrat puisse prévoir, notamment en matière commerciale, qu’une partie s’engage malgré tout à garantir l’accomplissement de ses obligations aux termes du contrat (par exemple le paiement de son loyer) malgré la survenance d’un cas de force majeure, ou à indemniser son cocontractant pour les dommages causés par son inexécution découlant d’une telle force majeure.
Certains contrats vont prévoir spécifiquement quels sont les événements qui constitueront, ou non, un cas de force majeure et/ou quelles seront les conséquences d’un cas de force majeure sur leurs responsabilités respectives. Certains autres contrats vont prévoir, quant à eux, que la force majeure ne libèrera pas la partie de ses obligations contractuelles, mais qu’elle pourra en suspendre l’exigibilité.
La pandémie de la COVID-19 : un cas de force majeure ?
La pandémie de la COVID-19 et les mesures de confinement prises par les autorités gouvernementales depuis mars dernier seront assimilées à un cas de force majeure que si celles-ci ont rendu impossible pour une partie l’exécution de ses obligations découlant d’un contrat. Chaque cas est toutefois un cas d’espèce, lequel doit être analysé à la lueur des circonstances et des faits propres à chaque situation, en fonction des termes exprès du contrat conclu entre les parties.
Par conséquent, une analyse de chaque contrat est nécessaire au préalable afin de déterminer s’il est possible pour une partie d’invoquer que la pandémie de la COVID-19 constitue ou non un événement de force majeure qui a pour effet de la libérer de ses obligations.
Ce bulletin fournit des commentaires généraux sur les développements récents du droit. Il ne constitue pas un avis juridique et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base des renseignements qu'il contient.
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