DROIT
de la FAMILLE
POUR VOUS PERMETTRE
D'Y VOIR PLUS CLAIR
POUR VOUS PERMETTRE
D'Y VOIR PLUS CLAIR
24 avril 2020 Droit de la famille
L’impact de la pandémie liée au Covid-19 s’est fait ressentir jusque devant les tribunaux spécialisés en droit de la famille, alors que certains parents demandent la modification des ordonnances de garde ou d’accès en raison du fait que l’autre parent et/ou son conjoint travaille dans le secteur des services essentiels, et plus particulièrement dans le secteur des services de santé.
La décision Droit de la famille 20506, datée du 3 avril 2020 concerne un parent travaillant dans le domaine de l’entretien ménager en milieu hospitalier.
Dans cette affaire, les enfants étaient en garde partagée depuis le 22 novembre 2018, le tout aux termes de diverses ordonnances intérimaires ayant été rendues par le tribunal, dont une dernière entente intérimaire intervenue en décembre 2019 et homologuée et reconduite depuis.
La particularité de cette affaire est qu’alors que le père devait avoir sa semaine de garde du 20 mars 2020 jusqu’au 27 mars 2020, la mère a unilatéralement refusé que les enfants partent chez leur père en raison de ses inquiétudes reliées à la pandémie de la maladie du coronavirus (Covid-19).
La mère voulait que la garde partagée soit suspendue jusqu’à la levée de l’état d’urgence sanitaire.
Devant la décision unilatérale de la mère, le père s’est adressé au tribunal pour l’émission d’une ordonnance de sauvegarde afin de faire respecter les modalités de la garde partagée des enfants.
La mère alléguait que les deux enfants sont asthmatiques, qu’elle était la mère d’un nourrisson né en 2020, qu’elle avait des inquiétudes en lien avec le virus de la Covid-19, qu’elle habitait en campagne et que son milieu de vie offrait un environnement plus sécuritaire que celui du père, dans le contexte actuel de la pandémie liée à la Covid-19.
La mère voulait donc garder les enfants avec elle jusqu’à la levée de l’état d’urgence sanitaire et offrait au père de lui donner accès aux enfants par voie technologique.
Le tribunal a rappelé que les ordonnances rendues par la Cour devaient être respectées et qu’un parent ne peut décider de modifier les modalités de garde de façon unilatérale.
Considérant les règles de distanciation sociale strictes qui sont appliquées dans le milieu de travail du père et qui réduisent au minimum les risques de contagion avec les patients et les membres du personnel de l’hôpital, et considérant les précautions importantes prises par le père et son respect des consignes sanitaires en place, le tribunal accueille la demande d’ordonnance de sauvegarde du père et ordonne à la mère de respecter les modalités en place.
Le tribunal tient notamment compte du fait que le père évite tout contact avec des amis, et que les contacts familiaux sont limités au strict minimum et sont sécuritaires, d’autant plus que des mesures pour respecter les consignes sanitaires ont été mises en place dans l’immeuble à logements du père.
Le tribunal, qui en vient à la conclusion que la garde partagée instaurée par les parties est un mode de garde qui répond adéquatement au meilleur intérêt des enfants, mentionne ce qui suit au sujet de la situation actuelle liée à la pandémie de la Covid-19 :
[13] CONSIDÉRANT que la situation actuelle est particulière en raison de l’éclosion de la maladie du coronavirus (COVID-19) et de l’état d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement du Québec depuis le 14 mars 2020;
[14] CONSIDÉRANT que la santé et la sécurité des enfants demeurent, pour le Tribunal, les considérations principales dans son appréciation du meilleur intérêt des enfants durant l’actuelle éclosion de la maladie du coronavirus (COVID-19);
[15] CONSIDÉRANT par ailleurs que la présente situation, aussi extraordinaire et inquiétante soit-elle, n’est pas en soi un motif suffisant pour modifier les modalités de garde partagée mise en place et priver les enfants de la présence de l’un de leurs parents;
[16] CONSIDÉRANT par ailleurs que chaque cas doit être apprécié selon ses propres circonstances, en fonction du risque auquel les enfants sont susceptibles d’être exposés;
[17] CONSIDÉRANT que le seul fait qu’un des parents exerce un emploi jugé comme étant un service essentiel n’est pas en soi suffisant, en l’absence d’infection ou de symptômes de la maladie du coronavirus (COVID-19) chez les personnes concernées, pour suspendre les modalités de garde partagée;
[18] CONSIDÉRANT que la preuve ne permet pas de conclure que le défendeur ne respecte pas les consignes sanitaires qui s’imposent dans son milieu de vie;
C’est en tenant compte de ces facteurs que le tribunal a déclaré que la garde partagée des enfants devait se poursuivre, malgré le contexte actuel de la pandémie.
Le fait que l’un des parents exerce un emploi dans un service essentiel, notamment dans le domaine des services de santé, ne peut être invoqué comme seul motif pour l’empêcher de voir ses enfants et pour modifier la garde partagée des enfants déjà en place lorsque les consignes sanitaires sont respectées et qu’il n’y a pas d’infection de symptômes de la maladie du coronavirus (Covid-19).
Évidemment, le tribunal nous rappelle que chaque cas doit être apprécié selon ses propres circonstances, en fonction du risque auquel les enfants sont susceptibles d’être exposés.
Ce bulletin fournit des commentaires généraux sur les développements récents du droit. Il ne constitue pas un avis juridique et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base des renseignements qu'il contient.
Retour à la liste des publications - Droit de la famille