L’indemnité locative en cas de divorce et de séparation

Imprimer

13 août 2019 Droit de la famille

Me Johara Obaïd 
 

La loi prévoit qu’un copropriétaire indivis qui ne peut jouir de son bien à cause de l’usage et de la jouissance exclusive du bien par l’autre copropriétaire a droit de demander une indemnité à celui qui a l’usage exclusif du bien pendant une période donnée.

Souvent, en matière de divorce et de séparation entre conjoints de fait, l’une ou l’autre des parties quitte la résidence servant à la famille et dont il est copropriétaire en indivision. Il se peut aussi que les parties soient copropriétaires d’un bien meuble, telle une automobile, et qu’il laisse derrière lui l’automobile qu’il utilisait conjointement avec l’autre partie. Une des parties se retrouvera donc probablement avec l’usage exclusif du bien qui appartient en indivision aux deux parties en rupture.

Suite à une séparation, le premier réflexe est de se rendre devant le tribunal avec une demande intérimaire pour statuer sur les mesures urgentes et, entre autres, demander l’usage exclusif de la résidence et des meubles. Les parties vont alors se voir imposer un jugement du tribunal ou vont en arriver à une entente qui sera entérinée par le tribunal pour valoir tel un jugement.

La partie qui a quitté le bien aurait droit à une indemnité pour dédommagement et pour le préjudice subi par la perte de jouissance du bien. Autrement dit, on évaluera une somme locative basée sur le coût du loyer pour un bien identique, le coût des intérêts sur le prêt grevant le bien, le cas échéant, et les charges reliées au bien.

Le quantum, c’est-à-dire le montant que le tribunal établira comme indemnité, relèvera au final de sa discrétion; les critères d’évaluation établis servant à guider celui-ci.

Toutefois, pour que le recours ait du succès, certaines conditions doivent être remplies et certaines précautions doivent être prises.

Tout d’abord, si une entente ou un jugement n’indique pas spécifiquement une réserve de son droit à une éventuelle indemnité locative, le recours suivant l’article 1016 (2) du Code civil du Québec ne pourra être accueilli lors du procès au fond. En effet, la réserve de ce droit ne se fera pas de façon automatique et elle doit être mentionnée pour vous protéger. Si aucun jugement n’est rendu avant le procès final et que l’usage s’est fait de facto suite à une entente informelle entre les parties, la jurisprudence tend à considérer qu’il n’y pas eu renonciation à son droit à l’indemnité locative et il pourra accueillir pareille demande.

De plus, il faut s’assurer que les obligations stipulées à l’article 1019 du Code civil du Québec soient également respectées, c’est-à-dire que les deux parties continuent à couvrir les dépenses et charges communes à hauteur de leur quote-part dans le bien.

Une personne qui quitte la résidence détenue en copropriété, et ne paie pas sa part dans les dépenses suite à son départ, ne pourra ensuite venir invoquer son droit à l’indemnité locative pour percevoir une somme mensuelle pour la perte de la jouissance de sa propriété.

D’autre part, la jurisprudence en la matière indique qu'il faut s’en tenir au sens strict du terme « usage exclusif » et que si une partie détient l’usage de la résidence et la garde des enfants, l’usage n’est plus exclusif. Dans ce type de cas, la demande pour l’indemnité locative pourrait être rejetée ou le montant de cette indemnité diminuée en conséquence, la raison étant que l’indemnité locative ne doit pas servir à une forme de remboursement de pension alimentaire payée pour l’enfant usant de la résidence, les frais de logement étant déjà inclus dans le calcul de la pension alimentaire payable.

L’indemnité locative est donc une demande qui peut être faite dans le cadre d’un divorce ou dans le cadre d’une séparation entre conjoints de fait, à condition que les parties soient copropriétaires du bien.

Suivant la jurisprudence actuelle, afin que votre recours ait de bonnes chances de succès, il faudra s’assurer de respecter les conditions émises par les tribunaux, tout en se rappelant que chaque cas est un cas d’espèce et que d’autres règles en matière familiale peuvent entrer en ligne de compte.

Ce bulletin fournit des commentaires généraux sur les développements récents du droit. Il ne constitue pas un avis juridique et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base des renseignements qu'il contient.

Retour à la liste des publications - Droit de la famille