La minimisation des coûts ne constitue pas une urgence

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19 avril 2020 Immobilier et construction

Ce billet publié sur le blogue sur les vices cachés des Éditions Yvon Blais le 17 octobre 2017 traite de la décision SG2C inc. c. Morin (Texte intégral | Fiche Quantum), dans laquelle la Cour supérieure est venue nous rappeler ce qu’est la notion d’urgence qui permet à un acheteur d’être exceptionnellement exempté de devoir dénoncer à son vendeur le vice caché qu’il a découvert avant d’entreprendre les travaux correctifs.

En effet, un acheteur ne sera pas tenu de dénoncer par écrit le vice au préalable à son vendeur avant d’effectuer des travaux correctifs si les vices sont dangereux pour la sécurité des occupants et qu’ils sont susceptibles d’entraîner une détérioration ou une perte imminente de l’immeuble.

Toutefois, la notion d’urgence doit être interprétée de manière objective et de manière limitative : tout n’est pas urgent.

Ce qu’un acheteur peut assimiler à une urgence ne sera pas nécessairement considéré comme tel par un tribunal : pour qu’on parle d’urgence, faut-il qu’il y ait péril du bien.

Dans cette affaire, qui concerne une problématique de contamination de sol, l’acheteur justifiait l’absence d’envoi d’un avis de dénonciation à son vendeur par l’imminence des vacances de la construction qui approchaient et la présence déjà sur place des équipements et des ouvriers spécialisés (qui s’étaient préalablement chargés des travaux d’enlèvement d’un réservoir souterrain), faisant ainsi en sorte qu’il a dû prendre une décision rapide suivant la découverte de la contamination pour procéder aux travaux immédiatement afin d’éviter d’attendre l’arrivée du temps froid ou encore le report des travaux à une date indéterminée, en fonction de la disponibilité des ouvriers spécialisés.

L’acheteur plaidait que la suspension des travaux de décontamination pour permettre la dénonciation de la problématique de contamination en bonne et due forme à son vendeur et de lui accorder un délai raisonnable pour corriger le vice allait avoir pour effet d’augmenter les coûts totaux des travaux de décontamination de son immeuble, et que la nécessité de minimiser les coûts dans ces circonstances constituait une urgence qui le dispensait de dénoncer le vice par écrit à son vendeur.

Le tribunal souligne dans cette affaire que l’urgence doit se rapporter au bien lui-même, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La notion d’urgence implique un risque de péril/de dépérissement immédiat du bien. L’accroissement des coûts des travaux correctifs à être engendré par les délais causés par la nécessité de devoir dénoncer par écrit le vice à l’acheteur et de lui accorder un délai raisonnable ne constitue pas une urgence permettant au vendeur de passer outre l’obligation de dénonciation prévue par l’article 1739 du Code civil du Québec.

Également, cette décision vient nous donner un éclairage intéressant sur la notion d’urgence, qui est parfois interprétée très largement par des acheteurs dans certaines situations. Cette décision nous rappelle qu’on sera en situation d’urgence que s’il y a risque de péril ou de dépérissement immédiat du bien. L’urgence doit se rapporter au bien lui-même, et non à son propriétaire.

Ainsi, l’accroissement des coûts des travaux correctifs ou encore les pertes locatives que pourrait subir un propriétaire d’immeuble ne peuvent être assimilés à eux seuls à une situation d’urgence.

Ce bulletin fournit des commentaires généraux sur les développements récents du droit. Il ne constitue pas un avis juridique et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base des renseignements qu'il contient.

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