Le vendeur n’a pas à dénoncer à son acheteur l’état de vétusté de son immeuble

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4 août 2025 Immobilier et construction

Dans un précédent billet, nous avons rappelé que la garantie contre les vices cachés n'est pas une garantie d'intégralité absolue du bien vendu ni une garantie générale de bon fonctionnement. Dans une décision rendue en 2019, la Cour supérieure du Québec est venue rappeler que la garantie contre les vices cachés n’est pas une garantie de perfection du bien vendu.

Dans l’affaire Thibault c. Lavoie (2019 QCCS 562), toujours d’actualité en date d’aujourd’hui, le Tribunal a conclu que l’usure normale d’un immeuble ancien, même si elle occasionne des travaux majeurs, ne constitue pas un vice caché couvert par la garantie légale de qualité.

La vétusté n’est pas un vice caché

Dans cette affaire, les acheteurs, qui avaient acquis un immeuble centenaire sans inspection préachat invoquaient la présence de vices affectant la plomberie, l’électricité et la maçonnerie.

Or, le Tribunal est venu rappeler que :

« Tout bien est soumis aux effets de la dégradation en raison du passage du temps. […] Le passage du temps et la manipulation d’un bien engendrent inévitablement son usure, son vieillissement et sa vétusté. » (par. 51 à 53)

Même lorsque le vendeur déclare que l’immeuble est en bon état, cela ne dispense pas l’acheteur de faire preuve de prudence :

« La déclaration générale du vendeur que la maison est en bon état […] ne dispense pas l’acheteur d’un examen soigneux, surtout si la maison est vieille. » (par. 60)

Ainsi, un vendeur n’est pas tenu de dénoncer l’état de vétusté du bien. Il appartient à l’acheteur de constater lui-même l’état des lieux et d’adapter ses attentes à la nature et à l’âge du bien :

« Le vendeur n’est pas obligé de dénoncer à son acheteur l’état de vétusté de celui-ci. Il est ainsi du devoir de l’acheteur de le constater par lui-même. » (par. 65)

Le devoir de prudence de l’acheteur

Le Tribunal insiste sur le fardeau imposé à l’acheteur d’un immeuble ancien :

62 […] L'acheteur raisonnable doit être conscient de l'âge de l'immeuble et prévoir les risques associés à l'achat d'une telle propriété.

63 Bien que suivant l'article 1726 C.c.Q., l'acheteur ne serait pas tenu d'avoir recours à un expert en la matière, tel un inspecteur préachat, il peut arriver que l'acheteur n'ait pas la connaissance appropriée pour écarter la possibilité d'un vice.

64 La doctrine nous enseigne ce qui suit quant au passage du temps sur la structure d'un immeuble :

 «L'acheteur «agissant seul n'a pas la connaissance requise pour effectuer et compléter un examen selon la norme de l'acheteur «prudent et diligent» [et] s'il omet de demander de l'aide, il agit de manière négligente».

Une résidence d'un certain âge doit faire l'objet d'un examen plus minutieux de la part d'un acheteur afin de ne pas confondre les détériorations dues à l'usure normale qui n'est pas synonyme de vices cachés. »

L'acheteur d'un immeuble ayant un certain âge, notamment un immeuble centenaire, doit être conscient de son âge, prévoir les risques associés à un tel achat et réaliser une inspection approfondie de l’immeuble, et ce, même dans le cas où le vendeur lui déclare que la maison est en bon état et que des réparations ont été effectuées à celui-ci.

À défaut, l’acheteur dernier pourrait être considéré comme un acheteur ayant eu un comportement négligent et pourrait voir son recours pour vices cachés contre son vendeur être rejeté.

Dans cette affaire, le Tribunal a jugé que les acheteurs, expérimentés en gestion immobilière, n’avaient pas agi avec diligence en omettant toute inspection, malgré l’âge avancé de l’immeuble.  Leur réclamation contre le vendeur a donc été rejetée.

Conclusion

Cette décision illustre de façon éloquente que le passage du temps limite la portée de la garantie contre les vices cachés. Le vendeur n’a pas à signaler l’usure normale ou la vétusté du bien. C’est à l’acheteur de faire preuve de vigilance, d’ajuster ses attentes à la réalité du marché immobilier, et de procéder à une inspection complète lorsque l’âge du bien le commande.

Ce bulletin fournit des commentaires généraux sur les développements récents du droit. Il ne constitue pas un avis juridique et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base des renseignements qu'il contient.

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