L’assurance titres immobilière : une protection complémentaire à l’égard de certains risques ne pouvant être décelés par un juriste

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5 septembre 2019 Immobilier et construction

Cet article, publié dans la revue Droit immobilier en bref des Éditions Yvon Blais en 2018, explique les tenants et aboutissants généraux de l’assurance titres immobilière et présente certains risques normalement couverts par une telle assurance qu’un juriste, notaire ou avocat, peut ne pas être en mesure de déceler dans le cadre de ses vérifications préalables à une transaction immobilière.

Introduction

Largement connue et souscrite dans les autres provinces canadiennes, l'assurance titres immobilière l'est beaucoup moins au Québec. Alors que moins de 10 % des transactions immobilières résidentielles sont couvertes par l'assurance titres au Québec, c'est plus de 90 % des transactions immobilières qui le sont en Ontario1.

Largement méconnu du grand public en général, entre autres par de nombreux avocats et notaires, ce produit d'assurance permet de couvrir des risques qu'un juriste, notaire ou avocat, pourrait ne pas être en mesure de constater dans le cadre de ses vérifications préalables à une transaction immobilière, en plus de couvrir des risques que ce dernier pourrait faire défaut de constater.

I - L'objet de l'assurance titres

Pouvant être souscrite autant par un créancier hypothécaire qu'un propriétaire d'immeuble, commercial ou résidentiel (les protections et couvertures peuvent varier selon le type de police en cause), l'assurance titres immobilière protège l'assuré contre des risques spécifiquement prévus et couverts par la police, et qui se rapportent essentiellement à des problématiques qui ont pour effet de compromettre le titre de propriété de l'immeuble assuré, et pouvant notamment entraîner sa non-négociabilité ou sa non-transférabilité, et qui causent une perte à l'assuré.

Ce produit d'assurance protégera également l'assuré pour des pertes résultant de problématiques qui ont pour effet d'influencer ou de restreindre l'exercice du droit de propriété à l'égard de l'immeuble assuré.

L'assurance titres immobilière en matière résidentielle couvrira, en principe2, la perte résultant de la non-conformité d'un bâtiment à l'égard d'un règlement de zonage, de l'existence de charges non radiées, les frais d'enlèvement forcé d'une structure dérogatoire, les arrérages ou suppléments d'impôts fonciers ou les frais de copropriété antérieurs à la date de la police et impayés.

Plus particulièrement, ce type d'assurance offrira une protection contre les pertes causées par la non-conformité d'un immeuble à l'égard de certains règlements municipaux, notamment dans le cas où le bâtiment ou une partie de celui-ci a été construit sans permis de construction et que l'assuré est tenu d'effectuer des travaux de correction ou d'enlèvement de la structure dérogatoire ou construite sans permis. Il importe toutefois de préciser qu'en matière commerciale, la protection offerte par une police d'assurance titres pourra varier et ne sera pas intégralement la même que celle offerte en matière résidentielle pour un propriétaire.

De manière générale, l'assurance titres immobilière couvre certaines problématiques qui sont en principe couvertes par la garantie légale du droit de propriété3. Par exemple, il peut s'agir de situations où il y a violation à l'égard d'une limitation de droit public au sens de l'article 1725 C.c.Q. Il s'agit donc de problématiques qui causent un déficit juridique à l'égard de l'immeuble en cause et qui restreignent l'exercice par le propriétaire de son droit de propriété dans l'immeuble ou qui peuvent lui porter atteinte. Le déficit d'ordre juridique, protégé par la garantie légale du droit de propriété, doit être distingué du déficit d'usage qui, lui, est protégé par la garantie légale de qualité de l'article 1726 C.c.Q.

Il importe de souligner que l'assurance titres immobilière ne couvre pas des problématiques pouvant être assimilées à des vices cachés ou des vices de construction, lesquelles entraînent un déficit d'usage, c'est-à-dire une atteinte à l'usage physique de l'immeuble. Au surplus, l'assurance titres immobilière ne couvrira pas des problématiques et des vices de nature environnementale, dont la contamination des sols, que celles-ci constituent ou non une non-conformité/une violation à l'égard d'une limitation de droit public au sens de l'article 1725 C.c.Q. précité.

Toutefois, l'assurance titres, qui est une assurance de dommages4, ne corrige pas en principe les problèmes de titres qu'elle assure (le vice propre)5 : elle indemnise l'assuré pour la perte réelle résultant des risques de titres couverts (le dommage de nature conséquentielle qui résulte du vice propre).

En outre, l'assurance titres couvrira, dans certains cas, des risques de titres connus et susceptibles de faire potentiellement l'objet d'une correction forcée, tel un empiétement.

II - L’assurance titres : utile uniquement lorsqu'il existe des problèmes de titres connus ?

Plusieurs juristes sont d'avis que le produit d'assurance titres ne sera utile que lorsqu'il existe des problèmes de titres connus sur un titre de propriété, ce avec quoi nous sommes complètement en désaccord.

En effet, dans bien des cas, la réclamation qui sera faite par un assuré à son assureur titres le sera pour une cause autre que celle pour laquelle la police a été initialement souscrite.

C'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans l'affaire Leblanc c. Chénier6, entendue par la Cour supérieure en 2012. Dans cette affaire, les assurés avaient acquis un immeuble à logements de type quadruplex. Rien ne permettait aux assurés de croire qu'un des logements de leur immeuble n'était pas conforme, autant en raison de la configuration des logements qu'en raison du fait que l'immeuble était considéré par le département de la taxation de la Ville de Saint-Eustache comme étant un immeuble de quatre logements. Au surplus, le certificat de localisation préparé par l'arpenteur-géomètre prévoyait que l'immeuble en cause était situé dans une zone permettant la construction de 2 à 12 logements. Or, quelques années plus tard, suivant un dégât d'eau qui avait nécessité des travaux de réparation majeurs, lesquels avaient requis l'obtention d'un permis, les assurés ont appris de la part d'un inspecteur municipal qu'un des logements de leur immeuble n'était pas conforme et que seuls trois logements étaient permis à leur immeuble en vertu de la réglementation.

Ayant reçu un avis de non-conformité de la Ville de Saint-Eustache exigeant la réalisation de travaux de modification de l'immeuble pour éliminer un des logements, les assurés se sont résolus à effectuer d'importants travaux, lesquels ont coûté plusieurs dizaines de milliers de dollars, en plus de subir une perte de valeur importante de leur immeuble : leur immeuble se voyait ainsi amputé d'un logement locatif.

Les assurés, qui n'avaient aucune idée au moment de l'achat de la non-conformité de leur immeuble à l'égard du nombre de logements, avaient toutefois souscrit à une police d'assurance titres immobilière en raison d'une problématique de distance illégale du bâtiment par rapport à la ligne séparatrice de propriété qui avait été constatée avant la vente.

Les assurés ont ainsi été indemnisés avant la tenue du procès par leur assureur titres sans devoir faire la preuve devant un tribunal des éléments prévus par l'article 1725 C.c.Q. Les assurés n'ont eu qu'à démontrer (i) l'existence d'une police d'assurance titres en vigueur, (ii) la survenance d'un risque de titres couvert par la police et (iii) un dommage en résultant. Dans cette affaire, c'est l'assureur qui, une fois légalement subrogé dans les droits de ses assurés en vertu des dispositions de l'article 2474 C.c.Q., qui a repris/continué les procédures initialement instituées par les assurés contre leurs vendeurs. Les assurés ont ainsi été indemnisés par leur assureur titres sans devoir attendre jusqu'au jugement final et sans devoir courir le risque d'échouer dans leur recours, ou encore de se retrouver, jugement en mains, devant des vendeurs insolvables. L'assurance titres en cause dans cette affaire couvrait l'obligation d'effectuer des travaux correctifs en raison du non-respect d'un règlement de zonage en vigueur au moment de la date d'émission de la police.

Certains se questionneront sur la responsabilité du notaire dans une telle situation. Plus particulièrement, la question à se poser est de savoir si le notaire pouvait constater, dans le cadre de son examen des titres préalable, la non-conformité d'un des logements à l'égard d'un règlement de zonage. Dans l'affaire Leblanc c. Chénier précitée, la notaire en cause était en présence d'un certificat de localisation qui indiquait que l'immeuble était situé dans une zone permettant de 2 à 12 logements7, et que le certificat d'évaluation municipale faisait état de quatre logements, le tout dans un contexte où l'immeuble en cause était taxé par le département de la taxation de la Ville de Saint-Eustache comme un immeuble de quatre logements depuis de nombreuses années. À notre avis, rien dans cette affaire ne permettait à la notaire qui a instrumenté la transaction de constater, ni même soupçonner, la non-conformité d'un des logements8, faisant ainsi en sorte qu'il n'était pas possible, selon nous, de prétendre à la responsabilité de la notaire dans cette affaire. Plus particulièrement, nous sommes d'avis que l'obligation du notaire dans le cadre de ses vérifications préalables ne va pas jusqu'à l'obligation d'aller consulter le règlement de zonage, en l'absence d'instructions particulières ou encore d'indices permettant de soupçonner une contravention au zonage.

C'est d'ailleurs ce que la Cour du Québec a décidé dans l'affaire Pleasance c. Beaulieu9, une affaire dans laquelle les acheteurs d'un immeuble non conforme à la réglementation municipale au niveau du nombre de logements10 ont poursuivi leurs vendeurs en vertu de la garantie légale contre les violations à l'égard d'une limitation de droit public de l'article 1725 C.c.Q.

Les acheteurs avaient également poursuivi la notaire ayant instrumenté la vente de l'immeuble en cause en alléguant son défaut d'avoir divulgué l'absence de conformité de l'immeuble aux règlements municipaux, même si la notaire ignorait l'existence de cette absence de conformité au moment de la vente. Les acheteurs reprochaient à la notaire son manque de prudence et d'information suffisante. Les acheteurs invoquaient notamment que la notaire aurait dû, entre autres, vérifier la conformité des logements quant aux règlements de zonage. À l'égard de ce qui précède, le tribunal a conclu que « même en agissant avec prudence et diligence, un notaire raisonnablement avisé n'aurait pu découvrir l'absence de conformité qu'en consultant le règlement de zonage, mais cette vérification allait au-delà de ses obligations. Instrumenter l'acte de vente n'emporte pas l'obligation de vérifier la conformité de l'immeuble aux règlements municipaux, en l'absence d'instructions particulières ou d'indices permettant de soupçonner une contravention au zonage »11.

Dans cette affaire, tout portait à croire à la légalité de la construction : les trois logements étaient loués et depuis 1994, soit huit ans avant le jugement, le compte de taxes mentionnait trois logements, tout comme d'autres documents émanant de la Ville de Sainte-Foy12. Bien que les assurés aient obtenu gain de cause contre leurs vendeurs dans cette affaire, ces derniers ont dû se rendre jusqu'à procès et en assumer les inconvénients et les coûts, lors duquel ils ont eu à démontrer que les conditions d'application de la garantie de l'article 1725 C.c.Q. étaient satisfaites13.

Le processus d'indemnisation des acheteurs aurait été plus simple et aisé et surtout beaucoup plus rapide selon nous si ces derniers avaient souscrit à une police d'assurance titres (dans la mesure où ce risque n'aurait pas été expressément exclu par l'assureur). En effet, et comme préalablement mentionné, les acheteurs n'auraient eu qu'à démontrer qu'ils subissaient un dommage des suites d'un risque de titres couvert par la police, sans devoir démontrer qui était responsable de la perte et sans devoir démontrer que toutes les conditions donnant ouverture à la garantie légale de l'article 1725 C.c.Q. en cause étaient toutes satisfaites.

Une autre situation où un notaire ne pouvait, selon nous, constater une problématique pouvant nuire à l'exercice du droit de propriété d'un acheteur dans un immeuble est celle exposée dans l'arrêt de la Cour d'appel Vézina c. Lamoureux14, rendu en 2014. Dans cet arrêt, les acheteurs d'un bâtiment résidentiel s'étaient fait présenter l'immeuble comme étant une maison bigénérationnelle. Ils ont subséquemment appris, après la vente, que leur immeuble ne pouvait être considéré comme bigénérationnel, car il ne respectait pas la réglementation applicable à ce type d'habitation. Pour rendre l'espace résidentiel secondaire conforme à la réglementation municipale, des rénovations majeures, au coût de 70 709,36 $, devaient être entreprises. Au surplus, cet espace résidentiel secondaire dans le bâtiment avait été construit sans permis de construction. Le recours des acheteurs, initialement rejeté par la Cour supérieure, a finalement été accueilli par la Cour d'appel et les vendeurs ont été condamnés, sur la base de la garantie de délivrance, à indemniser les acheteurs.

La correction forcée d'un logement dérogeant à un règlement de zonage est un risque généralement couvert par une police d'assurance titres immobilière en matière résidentielle pour un propriétaire d'immeuble. Il en est de même pour l'obligation d'enlever ou de corriger une construction existante érigée sans permis de construction. Si les acheteurs avaient souscrit à une assurance titres couvrant une telle problématique, ils n'auraient pas eu selon nous à entreprendre un recours judiciaire contre leurs vendeurs et se rendre jusqu'à la Cour d'appel pour être indemnisés pour la perte causée par la non-conformité de leur immeuble. Selon nous, cette non-conformité ne pouvait pas être décelée par un notaire dans le cadre de ses vérifications préalables à une transaction immobilière résidentielle.

Une autre situation où l'assurance titres immobilière peut couvrir des risques de pertes qu'un notaire ou un avocat pourrait ne pas être en mesure de constater est celle se rapportant à la publication d'un avis d'hypothèque légale de la construction, en matière de constructions neuves ou d'immeubles rénovés. L'assurance titres immobilière en matière résidentielle couvrira généralement les dommages résultant des hypothèques légales de la construction pour des services ou des matériaux fournis avant la date de la police15.

Bien que les actes de vente d'immeubles contiennent généralement, dans la section relative aux déclarations du vendeur, une clause stipulant qu'il n'y a pas de travaux de construction ou de rénovation qui demeurent impayés par le vendeur, il est souvent très difficile, voire généralement impossible pour un notaire de pouvoir confirmer la véracité de cette déclaration du vendeur et de s'assurer que tous les entrepreneurs et sous-entrepreneurs ayant effectué des travaux à l'immeuble ont été payés en date de la vente. Au surplus, le vendeur pourrait avoir payé son entrepreneur général qui, lui, aurait fait défaut de payer ses sous-traitants qui ont dûment dénoncé leur contrat au propriétaire de l'immeuble en temps opportun avant la vente, pouvant ainsi entraîner, après la vente, la publication d'avis d'hypothèque légale de la construction contre l'immeuble nouvellement acquis par l'acheteur.

Considérant que le droit par l'entrepreneur/le sous-entrepreneur/le fournisseur de matériaux de publier son avis d'hypothèque légale existe jusqu'à 30 jours après la fin des travaux16, il arrive souvent, en matière de vente d'immeubles résidentiels neufs, que la vente de l'immeuble s'effectue immédiatement après la fin des travaux, faisant ainsi en sorte que des avis d'hypothèques légales peuvent être validement publiés contre l'immeuble nouvellement acquis par l'acheteur, et ce, après la vente. Bien qu'une retenue (généralement entre 15 % à 20 % du prix de vente) puisse être conservée dans le compte en fidéicommis du notaire instrumentant pour protéger l'acheteur, il peut arriver dans certaines situations que la retenue soit insuffisante pour couvrir l'ensemble des hypothèques légales pouvant être publiées contre l'immeuble.

En matière de constructions neuves, et plus particulièrement en matière résidentielle, l'assurance titres immobilière s'avère selon nous le meilleur moyen de protéger un acheteur contre la publication d'hypothèques légales de la construction après la vente. Nous sommes d'ailleurs d'avis que l'acheteur d'une construction neuve résidentielle devrait systématiquement souscrire à une police d'assurance titres immobilière, rien que pour la protection contre les hypothèques légales de la construction qu'elle offre.

III - Une protection contre la fraude immobilière par usurpation d'identité

Une autre situation où l'assurance titres immobilière protège un risque qu'un notaire ne peut éliminer est celle de la fraude immobilière, laquelle peut survenir plus tard après la vente.

Un exemple de cas de fraude immobilière est celui où un fraudeur se fait passer pour le véritable propriétaire d'un immeuble libre de toute hypothèque pour obtenir un prêt garanti par une hypothèque contre ledit immeuble. Le fraudeur se présente à l'institution financière et ensuite chez le notaire avec de fausses cartes d'identité en se faisant passer pour le véritable propriétaire de l'immeuble. Par la suite, le fraudeur encaisse le prêt et disparaît. Le prêt obtenu par le fraudeur tombe par la suite en défaut de paiement et le créancier hypothécaire entreprend dès lors un recours contre l'immeuble et le véritable propriétaire. Ce dernier réalise alors que son immeuble a été hypothéqué à son insu et qu'il fait désormais l'objet d'un recours hypothécaire en raison du défaut de paiement pour un prêt auquel il n'a jamais souscrit. Le propriétaire victime de la fraude se retrouve donc dans une situation où il devra entreprendre de coûteuses procédures judiciaires pour obtenir la nullité et la radiation de l'hypothèque ayant été publiée contre son immeuble. Le propriétaire, ainsi fraudé, devra faire la preuve qu'il n'a jamais signé ni le contrat de prêt ni l'hypothèque mise en place en son nom par le fraudeur. Outre le stress et les inconvénients, la victime de la fraude devra généralement débourser des frais juridiques importants pour libérer son titre de l'hypothèque publiée frauduleusement contre son immeuble et pour faire déclarer le prêt nul.

L'affaire Fréchette c. Boussalmi17 est précisément un cas où l'assurance titres immobilière aurait grandement facilité et accéléré le processus d'indemnisation d'un propriétaire dont l'immeuble a été frauduleusement vendu à un tiers, et lui aurait permis d'éviter d'assumer personnellement des frais légaux substantiels pour rétablir son titre de propriété dans son immeuble. Dans ce dossier, la propriété du demandeur Fréchette est vendue à un tiers (le défendeur Boussalmi) à leur insu. L'identité du demandeur Fréchette tout comme celle du défendeur Boussalmi (l'acheteur) furent toutes les deux usurpées par des fraudeurs, lesquels ont ensuite hypothéqué la propriété en faveur d'un créancier hypothécaire pour ensuite encaisser le produit du prêt hypothécaire et disparaître dans la nature. Lorsque le demandeur Fréchette constate que sa propriété a été vendue à son insu et qu'elle a été hypothéquée en faveur d'un créancier hypothécaire, il entreprend des procédures judiciaires pour faire rétablir ses droits, en plus de poursuivre le notaire ayant instrumenté l'acte de vente frauduleux, à qui il réclame les honoraires extrajudiciaires qu'il a dû engager pour faire annuler les actes de vente et d'hypothèque ayant été frauduleusement publiés contre son immeuble. Le demandeur Fréchette reprochait au notaire d'avoir failli dans son devoir d'attester l'identité des parties. À l'égard de ce qui précède, le tribunal conclut comme suit :

[22] Tout d'abord, comme la loi l'y oblige, le notaire requiert des pièces d'identité des faux acheteur et vendeur. Ceux-ci lui fournissent leur permis de conduire et leur carte d'assurance maladie. Ensuite, le notaire s'assure que les photographies apparaissant sur les pièces d'identité correspondent aux individus qu'il reçoit dans son bureau. Les photographies déposées au dossier lui donnent raison.

[23[ Le permis de conduire et la carte d'assurance maladie constituent un moyen raisonnable d'établir l'identité des cocontractants. La preuve ne démontre pas que le notaire devait douter de l'authenticité des documents qu'on lui a exhibés. Après tout, son mandat ne consiste pas à enquêter sur les personnes requérant ses services.

[24[ Ceci étant, force est de conclure que le notaire a correctement procédé à l'identification des parties.

Malgré toute la prudence et la diligence qu'un notaire peut avoir au moment de la vérification de l'identité d'une partie, on ne peut imputer aux notaires l'obligation d'être infaillibles. Il est tout à fait possible qu'un fraudeur puisse réussir à tromper un notaire, aussi prudent soit-il, avec de fausses pièces d'identité. La fraude immobilière par usurpation d'identité est un risque réel et l'assurance titres immobilière s'avère le meilleur moyen de protéger un propriétaire d'immeuble contre une telle fraude.

IV - Une couverture qui subsiste même après la vente de l'immeuble assuré

Une autre chose intéressante à savoir concernant l'assurance titres immobilière, et plus particulièrement en matière résidentielle au niveau d'une police propriétaire, est que la protection offerte par une telle police continue même après l'aliénation de l'immeuble assuré. Plus particulièrement, les protections offertes par une police d'assurance titres pour un propriétaire subsistent même après la vente de l'immeuble assuré.

À titre d'exemple, si les assurés dans l'affaire précitée Leblanc c. Chénier, qui avaient souscrit à une police d'assurance titres immobilière lors de l'achat de leur immeuble de type quadruplex, avaient vendu leur immeuble à un tiers avant la découverte de la problématique de non-conformité du nombre de logements et que le tiers acheteur, ayant découvert ladite non-conformité après l'achat, aurait entrepris contre ses vendeurs un recours en diminution du prix de vente en vertu de l'article 1725 C.c.Q., les vendeurs poursuivis, qui ont antérieurement souscrit à une assurance titres couvrant cette non-conformité, auraient été toujours couverts par leur police d'assurance titres même s'ils n'étaient plus propriétaires de l'immeuble. Les vendeurs, ainsi poursuivis par leur acheteur en diminution du prix de vente en raison de la non-conformité quant au nombre de logements, auraient pu ainsi soumettre une réclamation à leur assureur titres même s'ils n'étaient plus propriétaires de l'immeuble en question.

Également, le tiers-acheteur, qui n'aurait pas lui-même souscrit d'assurance titres quand il a acquis l'immeuble, mais sachant que ses vendeurs ont quant à eux souscrit à une telle assurance, pourrait également diriger son recours en diminution du prix contre l'assureur titres de ses vendeurs, en plus de poursuivre ses propres vendeurs, en vertu des dispositions de l'article 2501 C.c.Q. qui se lit ainsi :

2501. Le tiers lésé peut faire valoir son droit d'action contre l'assuré ou l'assureur ou contre l'un et l'autre.

Le choix fait par le tiers lésé à cet égard n'emporte pas renonciation à ses autres recours.

Par conséquent, il s'avère pertinent pour un acheteur n'ayant pas lui-même souscrit à une assurance titres lors de l'achat de son immeuble et qui poursuit subséquemment son vendeur en diminution du prix de vente en raison, par exemple, d'une situation analogue à celle dans l'affaire Leblanc c. Chénier précitée et pouvant être couverte par une police d'assurance titres, de vérifier si son vendeur a lui-même souscrit à une telle police. Dans l'affirmative, l'acheteur pourra diriger également son recours contre l'assureur titres de son vendeur, en plus de poursuivre son vendeur directement. Cela s'avère particulièrement utile en cas notamment d'insolvabilité du vendeur.

V - L'assurance titres : une protection complémentaire à celle offerte par le travail du notaire ou de l'avocat

L'assurance titres immobilière doit être vue comme un complément à la protection offerte par le travail du juriste, notaire ou avocat, au niveau de ses vérifications préalables dans le cadre d'une transaction immobilière : il ne s'agit pas d'une solution de remplacement.

Comme nous l'avons préalablement mentionné, l'objet d'une assurance titres est d'indemniser l'assuré pour la perte subie en raison d'un risque couvert par la police et n'a pas pour objet en principe de corriger, voire d'éradiquer, la problématique de titres en cause qui est à la source.

Plus particulièrement, l'assurance titres ne doit pas selon nous remplacer l'examen de titres du notaire dans le cadre d'une transaction immobilière. Il s'agit plutôt d'une protection additionnelle permettant à un acheteur ou un créancier hypothécaire d'être protégés contre certains risques qui ne peuvent notamment être constatés par un juriste agissant en stricte conformité avec les règles de l'art applicables dans le cadre de son travail de vérification diligente lors d'une transaction immobilière. Tel qu'il a été mentionné, ce produit d'assurance ne doit toutefois pas être vu comme une solution de rechange au travail de vérification diligente préalable du juriste dans le cadre d'une transaction immobilière, et encore moins à l'examen de titres du notaire, qui permet de confirmer si le titre est bon et lui permet d'apporter les correctifs requis, le cas échéant.

Au surplus, en cas d'erreur ou d'omission de la part du juriste concerné, l'assurance titres immobilière permet d'éviter à un acheteur la lourdeur, les frais et les inconvénients liés à une réclamation en responsabilité professionnelle contre son notaire ou son avocat : l'assuré n'ayant qu'à soumettre une réclamation à son assureur et à démontrer l'existence d'une perte causée par un risque couvert par la police, sans devoir prouver la faute du notaire ou de son avocat.

Conclusion

Au Québec, et bien que nous bénéficiions de l'un des meilleurs systèmes de publicité foncière au monde grâce entre autres au travail des notaires, il existe malgré tout certaines situations ou problématiques qu'un notaire ou un avocat, malgré toute sa diligence et sa prudence, ne sera pas en mesure de constater, de prévoir ou de déceler et pour lesquelles l'assurance titres immobilière offrira une protection. Sans compter la survenance d'une fraude immobilière par usurpation d'identité pouvant être commise plusieurs années après l'achat de sa propriété. C'est donc pourquoi nous sommes en désaccord avec ceux qui affirment que l'assurance titres n'est utile que lorsqu'il existe des problèmes connus sur un titre de propriété.


1. Hugo JONCAS, « Offensive des assureurs titres : les affaires », dans Les Affaires, 6 juillet 2013 (consultée le 11 mai 2018).
2. Il peut arriver dans certains cas que des risques spécifiques normalement couverts puissent être exclus par l'assureur au moment de la souscription de la police.
3. Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1723 à 1725 (ci-après « C.c.Q. »).
4. Art. 2463 et s. C.c.Q.
5. Art. 2465 C.c.Q.
6. Leblanc c. Chénier, EYB 2012-237203 (C.S.).
7. Il importe de préciser que le Règlement sur la norme de pratique relative au certificat de localisation ne prévoit pas l'obligation pour l'arpenteur-géomètre de confirmer la conformité de l'usage de l'immeuble ou du bâtiment y situé par rapport à la réglementation municipale, bien que certains arpenteurs-géomètres, en pratique, aillent dans certaines situations opiner sur la conformité de l'usage du bâtiment en cause.
8. Dans cette décision, le vendeur avait sciemment dissimulé la non-conformité de l'immeuble.
9. EYB 2002-178607 (C.Q.).
10. L'immeuble avait initialement trois logements, mais les acheteurs ont subséquemment appris de la part d'un inspecteur municipal que le logement situé au sous-sol du bâtiment était illégal et qu'il était nécessaire de le condamner, ce qui a fait passer le nombre de logements du bâtiment de trois à deux.
11. EYB 2002-178607 (C.Q.), par. 67.
12. Ibid., par. 49.
13. C'est-à-dire (i) l'existence d'une violation à une limitation de droit public au moment de la vente, (ii) l'absence de dénonciation par le vendeur, (iii) l'absence de publicité, et (iv) la prudence et la diligence de l'acheteur, c'est-à-dire le caractère occulte de la limitation au moment de la vente.
14. EYB 2014-240755 (C.A.).
15. Il est très important de spécifier que certains assureurs ne couvrent pas les hypothèques légales de la construction pour les polices émises en faveur des propriétaires (communément appelées polices propriétaires), mais les couvriront uniquement pour les polices émises en faveur des créanciers hypothécaires (communément appelées polices créanciers hypothécaires). Au surplus, le département de souscription d'un assureur titres pouvant normalement couvrir des hypothèques légales pour des propriétaires peut dans certains cas exclure cette couverture en fonction des particularités du risque soumis. Il est donc très important de confirmer avec l'assureur, et plus particulièrement avec le département de souscription, si la couverture pour les hypothèques légales s'applique ou non.
16. Art. 2727 C.c.Q.
17. Fréchette c. Boussalmi, EYB 2011-198891 (C.S.).

Ce bulletin fournit des commentaires généraux sur les développements récents du droit. Il ne constitue pas un avis juridique et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base des renseignements qu'il contient.

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